À l’intersection du financement des entreprises et de la gestion de portefeuille se trouvent l’univers des CLOs, des instruments financiers qui transforment le risque en opportunité. Ces dernières années, ils sont devenus des instruments incontournables, permettant aux investisseurs d’accéder à des rendements élevés tout en diversifiant leurs risques. Cependant, les CLOs restent des outils d’investissement sophistiqués, souvent peu ou méconnus par le grand public. Que sont-ils vraiment, et pourquoi sont-ils intéressants à considérer dans la construction d’un portefeuille ? Pour répondre à ces questions, il est essentiel de comprendre à la fois le fonctionnement des CLOs et les avantages qu'ils offrent dans un contexte de marché en constante évolution. Cet article se propose de démystifier les CLOs, en explorant leur rôle dans le financement des entreprises, leur fonctionnement, ainsi que les risques et avantages qu'ils comportent pour les investisseurs avertis.
Qu’est-ce qu’un CLO ?
Issu de l’anglais « Collateralized Loan Obligations », ou titre de créance collatéralisé en français, le terme CLO désigne un véhicule d’investissement (ou SPV) composé d’un pool de 120 prêts destinés aux entreprises, et divisé en différentes tranches de financement. Celles-ci sont notées par les agences de notation selon le risque de remboursement, classées en catégories senior, intermédiaire (mezzanine) ou subordonnée (equity). Ces tranches peuvent être ensuite achetées par des investisseurs qui sélectionnent la tranche de leur choix en fonction du profil de risque et de rendement associé. Ainsi, plus la tranche est bien notée, plus son risque et son rendement seront faibles.
Le CLO est ensuite géré activement par un gérant de crédit chevronné dans le respect d’une multitude de contraintes d’investissement destinées à sécuriser le capital des investisseurs (financeurs). Souvent méconnu et parfois mal perçu, le segment des CLOs est pourtant l’un des segments les plus régulé, contrôlé, standardisé et transparent du marché des capitaux.
Historiquement, les CLOs ont toujours été une classe d’actif résiliente. Créés à la fin des années 1980, ils visaient initialement à transformer de manière innovante des actifs financiers illiquides en titres négociables sur les marchés financiers. Les banques cherchaient alors à transférer les risques de crédit tout en libérant du capital pour de nouvelles opérations de prêt. Les premières émissions des CLOs modernes, avec comme but premier de générer un revenu à travers les flux de liquidité, apparaissent à la fin des années 1990. Communément appelé CLO 1.0, ce millésime comprenait quelques obligations à haut rendement ainsi que des prêts, et constituait la structure standard des CLOs jusqu’à l’éclatement de la crise financière en 2008.
À la suite de la crise de 2008, le marché des CLOs a connu un arrêt total, car le régulateur cherchait à mieux contrôler l’univers des prêts structurés (Asset Backed Securities) et l’intérêt des investisseurs pour les produits structurés était devenu très faible. Ce n’est qu’au début de l’année 2013 que le marché renaît véritablement, poussé par l’apparition d’un nouveau millésime : le CLO 2.0. Avec pour objectif de réduire de manière significative le risque, ce nouveau millésime s’accompagne de nombreuses régulations importantes et innovantes. La plus marquante et la plus importante, certainement, est la « Risk Retention Rule » : c’est-à-dire, l’obligation imposée au gérant de devoir investir au minimum 5% de son capital dans chaque CLO qu’il gère.
Ces dix dernières années, le marché des CLOs a connu une croissance fulgurante, devenant ainsi l’un des piliers du marché des prêts sécurisés. Les CLOs jouent désormais un rôle crucial dans le système financier, en facilitant le financement des entreprises, en diversifiant les risques, et en offrant des rendements attractifs aux investisseurs. Sur le plan macroéconomique, les CLOs contribuent à plus de 65% de la liquidité du marché des prêts sécurisés et soutiennent en particulier le financement des entreprises plus risquées ou en croissance rapide.
Le fonctionnement des CLOs
Bien que les CLOs aient une structure financière élaborée, leur fonctionnement peut être compris en décomposant leurs principales composantes et processus. En regroupant plusieurs prêts de qualité diverse, un CLO permet, grâce à la diversification et à la subordination des flux de trésorerie, de créer des tranches de qualité (et de notation) supérieure, devenant donc intéressantes pour les investisseurs. D’un CLO à l’autre, les caractéristiques fondamentales du véhicule d’investissement restent similaires : une taille de portefeuille identique (d’environ 400 millions d’Euros, en Europe), composé de 120 émetteurs, divisé en 7 tranches de financement, et une maturité identique de 8 ans. Chaque mois, un Trustee indépendant évalue si les différentes contraintes d’investissement imposées par le régulateur ont bien été respectées.
Le CLO est divisé en tranches notées AAA, AA, A, BBB, BB, B et Subordonnée (Equity) en fonction du niveau de risque et de rendement associé. Chaque tranche fonctionne alors comme une obligation porteuse d’intérêts. Les tranches les plus hautes, AAA, AA, et A, sont appelées les tranches seniors. Ce sont les tranches les moins risquées d’un CLO, mais aussi celles avec le plus faible rendement. En moyenne, elles représentent respectivement 60%, 10% et 7% de la totalité du portefeuille. Les tranches BBB, BB et B sont appelées les tranches mezzanines, et représentent respectivement 6%, 6% et 3% du portefeuille. Enfin, la tranche equity représente 10% de la totalité du CLO. C’est la tranche la plus risquée, car c’est la première touchée par un défaut de paiement du portefeuille. En effet, l’ordre des tranches de CLO dicte l’ordre du remboursement aux investisseurs, ainsi que du versement des intérêts trimestriels. La tranche equity étant dernière, ses investisseurs sont donc également les derniers à être remboursés. En contrepartie, c’est également la tranche qui peut offrir le rendement le plus élevé, notamment si le gérant est en mesure de limiter les défauts et/ou de générer des gains substantiels dans la gestion du portefeuille de prêts sécurisés.
Toutes ces tranches peuvent être achetées de manière individuelle. Le profil des investisseurs diffère donc en fonction de la tranche concernée. On retrouve principalement des banques, des institutionnels et des fonds de pension dans la tranche AAA. Les tranches mezzanine abritent souvent des hedge funds et autres gestionnaires d’actifs. Les fonds fermés (de type private credit) et les gérants de CLO composent régulièrement la majorité des investisseurs de la tranche equity.
Du fait qu’ils soient généralement investis dans la tranche la plus risquée, les gérants de CLO jouent un rôle clé dans la surveillance et la bonne gestion des actifs sous-jacents. Ils gèrent activement le portefeuille pour réduire les risques, minimiser les pertes et maximiser les flux de trésorerie. Ils peuvent donc réajuster le portefeuille en vendant ou en achetant de nouveaux prêts en fonction des conditions, pour parvenir à maintenir la performance des CLOs et garantir les paiements attendus aux investisseurs. Ils sont souvent considérés comme les plus grands spécialistes du crédit. Il s’agit notamment de KKR, CVC, Ivy, Blackstone, Blackrock, Permira, Baring ou encore Alcentra.
Les avantages et inconvénients des CLOs
Grâce à leur structure unique, les CLOs offrent à la fois des opportunités significatives et des défis notables pour les investisseurs et le marché financier dans son ensemble.
L’un des principaux avantages des CLOs est leur capacité à diversifier les risques. En regroupant un large éventail de prêts avec un minimum de 120 émetteurs différents, provenant tous de différents secteurs et entreprises, les CLOs réduisent de manière significative l’impact qu’aurait la défaillance d’une seule entreprise ou d’une industrie sur l’ensemble du portefeuille. De plus, grâce à leur composition particulière, les CLOs offrent des rendements potentiellement élevés, rendant ainsi ces véhicules d’investissements particulièrement attractifs. Si l’on compare le rendement des CLOs à celui d’autres investissements de type obligataire de même notation, il est significativement plus élevé.
Les CLOs sont sujets à de nombreuses contraintes de gestion, et ce, sans équivalent pour les fonds traditionnels obligataires et autres fonds de prêts. Ces contraintes font ensuite l’objet de contrôles et de tests mensuels par des trustees indépendants. Le résultat de ces tests, ainsi que la composition détaillée du portefeuille sont communiqués mensuellement, créant ainsi une grande transparence pour ces véhicules d’investissement.
Enfin, l’alignement des intérêts des gérants de ces véhicules d’investissement à ceux des investisseurs est également un avantage non négligeable des CLOs. La réglementation européenne, qui impose aux gérants de CLO d’investir et de conserver un minimum de 5% d’exposition sur les portefeuilles, permet un alignement d’intérêts sans égal dans le monde de la gestion d’actifs, puisqu’elle n’existe pas pour les fonds Ucits européens.
Tous ces éléments font des CLOs un outil d’investissement véritablement unique, aux avantages nombreux. Malgré tout, les CLOs restent des instruments à la structure et au fonctionnement sophistiqués, pouvant ainsi entraîner une certaine opacité lorsque les risques sous-jacents ne sont pas pleinement compris ou mal évalués.
Le principal risque associé aux CLOs réside dans la possibilité de défaut des emprunteurs sur les prêts inclus dans le portefeuille, et ses potentielles répercussions sur chacune des tranches. C’est la tranche la plus basse, la tranche equity, qui est touchée en premier, puisqu’elle est seule à absorber les premiers défauts. Ce n'est que lorsque la totalité de la tranche equity est épuisée que les pertes subséquentes commencent à affecter la tranche B, et ainsi de suite, en remontant dans la hiérarchie des tranches.
Il est important d’indiquer qu’il existe des mesures d’autoréparation de la structure qui visent à éviter que la tranche B (et donc toutes les autres au-dessus) puisse être impactée. En effet, si le taux de défaut augmente, le coussin de protection se réduira et sera inférieur aux tests de « sur-collatéralisation » imposés par les Trustees. Le gérant ne pourra dès lors plus verser de cash-flow à la tranche equity et devra utiliser son excédent de liquidité pour recréer le coussin de protection. Si sa liquidité est insuffisante, il devra alors vendre des prêts sécurisés sur le marché et commencer à rembourser la tranche AAA afin de réduire l’exposition à levier du CLO, jusqu’à retrouver le coussin adéquat.
Il est également crucial de comprendre que les CLOs sont particulièrement exposés au risque de crédit en raison de la nature des prêts sous-jacents. Ces prêts sont souvent accordés à des entreprises avec des notations de crédit inférieures à la notation de qualité dite « investment grade », ce qui signifie que la probabilité de défaut est plus élevée que pour des obligations traditionnelles. Par conséquent, bien que les CLOs offrent des rendements potentiellement attractifs, ils viennent avec un niveau de risque accru, lié à la qualité de crédit des emprunteurs sous-jacents. Néanmoins, le nombre de défauts des différentes tranches reste extrêmement faible depuis la création de ce type de véhicule d’investissement, ce qui amène même certains investisseurs à affirmer que les CLOs présentent un risque moindre que celui qu’on leur attribue généralement.
Le marché des CLOs aujourd’hui
Cette résilience face aux défauts, combinée à des rendements attractifs, a contribué à renforcer la confiance des investisseurs, propulsant le marché des CLOs vers de nouveaux sommets au cours des deux dernières années.
Depuis sa création dans les années 1990, le marché des CLOs a considérablement évolué. Aujourd'hui, il représente une part importante du marché mondial de la dette, avec des émissions annuelles de plusieurs centaines de milliards de dollars. Aux États-Unis, le marché des CLOs est particulièrement développé, représentant une source majeure de financement pour les entreprises du secteur privé. En Europe et en Asie, ce marché est également en pleine expansion, soutenu par une demande accrue de financement et par des investisseurs à la recherche de rendements attractifs dans un contexte de taux d'intérêt à la volatilité historiquement élevée.
Avec l'expansion rapide du marché des CLOs, la régulation autour de ces véhicules d’investissement est devenue cruciale. La réglementation mise en place depuis 2013 a pour but de renforcer la transparence et la solidité de ce marché dominé par de grands acteurs de la gestion d’actifs. Les banques jouent un rôle crucial dans la structuration des CLOs, tandis que les gestionnaires d’actifs sont responsables de la gestion quotidienne des portefeuilles. Tout ceci mène à un écosystème complexe et bien régulé, caractérisé par la participation active de divers acteurs financiers.
Qu’est-ce que cela signifie en termes d’investissement ?
L’expérience a largement montré que les CLOs sont des véhicules d’investissement robustes, amplement capables de surperformer durant les phases de crises. En effet, la performance historique des CLOs européens a démontré une résistance incomparable, avec un taux de défaut des prêts constituant les portefeuilles de CLO européens sensiblement plus faible que celui des indices de marché (4.2% pour les CLOs contre 16% pour l’indice ELLI, en 2009).
Si on analyse la performance moyenne des 5 dernières années, des fonds de CLO de risque intermédiaire (tels que le Montlake Alternative Credit) ont généré un rendement de 6% p.a. en Euro, contre 2% pour des obligations de société « High Yield » de qualité similaire (cf. graphique ci-dessous). Cette performance inclut l’année 2020 du Covid qui avait provoqué une chute dramatique de toutes les classes d’actifs financiers, ainsi que la correction de 2022 provoquée par la remontée fulgurante des taux d’intérêt en Europe et aux USA.
Cette différence marquée témoigne de la capacité des CLOs à passer au travers des chocs économiques tout en produisant des rendements supérieurs aux autres instruments financiers similaires. De plus, le nombre de défauts constatés sur des tranches de CLO européens est resté particulièrement faible, avec seulement 19 tranches sur 1889 notées par Moody’s à avoir connu un défaut de paiement depuis 1993. Cette rareté des défauts souligne la robustesse de la structure des CLOs et la rigueur avec laquelle ces produits sont construits … et gérés.
Comme déjà évoqué, les CLOs possèdent plusieurs mécanismes pour limiter le risque de perte afin de protéger le capital des investisseurs. Même lorsque ces protections sont éprouvées, comme lors de la crise de 2008, elles restent efficaces. C'est précisément cette combinaison de robustesse structurelle et de résilience éprouvée qui fait des CLOs un choix d'investissement prisé, particulièrement au sein de nos différentes stratégies d’investissement.
Nous sommes convaincus qu’inclure les CLOs dans nos portefeuilles offre un atout incomparable en termes de diversification et de performance à nos clients. Grâce à notre accès privilégié à des gérants spécialisés, nous pouvons proposer à nos clients « le CLO adapté à leur besoin ». Ainsi, nous pouvons leur permettre d’accéder à des rendements attractifs tout en répartissant les risques et en diversifiant leurs sources de revenus. Ces caractéristiques font donc des CLOs un outil essentiel pour ceux qui cherchent à optimiser leur stratégie d'investissement, en combinant diversification et performance.