Wednesday, December 4, 2024

Qu’est-ce qu’une banque centrale, et quel est son rôle ?

Depuis 2019, le 4 décembre marque la Journée internationale des banques, une initiative lancée par l’Assemblée Générale des Nations Unies. Cette célébration ne se limite pas à un simple hommage au secteur bancaire : elle souligne deux dimensions essentielles. D’une part, le rôle déterminant des banques dans le financement du développement durable, en soutenant des projets qui façonnent un avenir plus équitable et responsable. D’autre part, l’importance vitale des systèmes bancaires pour assurer la stabilité et la résilience des économies mondiales, particulièrement face aux crises.

En ce 4 décembre, nous avons choisi de vous présenter l’un des piliers du système bancaire international : les banques centrales. Institutions souvent méconnues du grand public, les banques centrales jouent pourtant un rôle crucial dans le fonctionnement de nos économies. Chargées de maintenir la stabilité monétaire, de réguler les systèmes financiers et parfois même de soutenir l’emploi, elles agissent comme des chefs d’orchestre de la politique économique. Aujourd’hui, nous vous invitons à plonger dans l’univers fascinant de ces institutions, afin de mieux comprendre leur rôle et l’impact direct qu’elles ont sur l’économie.

 

Qu’est-ce qu’une banque centrale ?

Une banque centrale est une institution publique chargée de gérer la monnaie d’un pays ou d’une zone économique et de contrôler la masse monétaire. Autour de cette fonction globale s’articulent de nombreux objectifs que les banques centrales tentent continuellement de satisfaire, tels que la stabilité des prix ou le contrôle de l’inflation. Ces priorités peuvent varier d’un pays à l’autre, reflétant les particularités et les besoins spécifiques de chaque économie nationale. Les banques centrales s’efforcent ainsi d’adapter leurs politiques monétaires pour maintenir un équilibre entre développement économique, stabilité financière et bien-être collectif.

Historiquement, les banques centrales ont vu le jour à la fin du XIXe siècle afin de stabiliser les finances publiques et de financer les gouvernements. Au fil des siècles, leur mission s’est élargie avec l’émergence d’économies complexes et mondialisées. Depuis, les banques centrales se sont progressivement imposées à travers le globe.

A la fois banques des banques et banques des gouvernements, les banques centrales se différencient des banques commerciales habituelles par le fait qu’elles n’interagissent pas avec les particuliers. En tant qu’institutions publiques, elles n’agissent pas dans un but lucratif et n’ont pas pour but de répondre aux besoins directs des ménages. En revanche, elles jouent le rôle de banque pour les banques commerciales, qui vont ensuite interagir avec les particuliers. Grâce à cette relation, les banques centrales peuvent influencer les flux de monnaie et de crédit dans l’économie, en régulant notamment la quantité d'argent disponible et les conditions de crédit, ce qui contribue à maintenir la stabilité des prix.

En Suisse, la Banque Nationale Suisse, ou BNS joue ce rôle crucial de banque centrale. Elle détient à ce titre le monopole d’émission des billets de banque et a pour mandat de conduire la politique monétaire du pays. Son mandat découle de la Constitution elle-même, et lui impose d’agir dans l’intérêt global du pays en assurant la stabilité des prix tout en tenant compte de l’évolution de la conjoncture économique. Elle est indépendante du gouvernement, afin de lui permettre de se concentrer sur son objectif de stabilité des prix, plutôt que de céder à des pressions de court terme contraires à son objectif et nuisibles pour sa crédibilité à long terme.  

 

Les rôles principaux d’une banque centrale

Les fonctions d’une banque centrale sont multiples et peuvent différer d’un pays à l’autre. Cependant, certaines missions clés se distinguent clairement et constituent les piliers de leur rôle dans l’économie.

La majorité des banques centrales ont pour mission d’assurer la stabilité monétaire, et par conséquent la stabilité des prix à travers un maintien de l’inflation. Une inflation bien gérée est essentielle pour favoriser la croissance et la prospérité, car elle crée un environnement prévisible pour les entreprises, les ménages et les investisseurs. Lorsque les prix sont stables, les entreprises ainsi que les ménages peuvent planifier de manière plus précise leurs investissements, favorisant ainsi l’économie à long terme. En Suisse, la BNS définit la stabilité des prix comme une hausse annuelle de l’indice des prix à la consommation inférieure à 2%.Trimestriellement, elle analyse le contexte économique et présente ses prévisions quant à l’évolution des prix. Elle peut ensuite décider d’agir afin de respecter son objectif de 2%.

Les banques centrales doivent également assurer la stabilité financière. En cas de crise bancaire, comme en 2008, elles peuvent agir comme prêteur de dernier ressort en assurant la solvabilité des banques dans leur système. De manière générale, un système financier est considéré comme stable lorsque les banques et les infrastructures des marchés financiers sont en mesure de remplir leurs fonctions et de résister aux perturbations auxquelles elles peuvent être exposées. Cette stabilité financière est un prérequis crucial, tant pour la croissance économique que pour l’efficacité de la mise en œuvre de la politique mondiale. En agissant comme gardiennes de ce système, les banques centrales permettent alors de prévenir les crises systémiques et d’assurer une base solide pour le développement économique.

L’une de leurs missions les plus concrètes relève de l’émission de la monnaie fiduciaire, c’est-à-dire les pièces et billets de banque utilisés au quotidien. En tant que seule institution autorisée à créer de la monnaie, une banque centrale garantit la confiance dans cette dernière en veillant à ce qu’elle conserve sa valeur. L’objectif n’est pas seulement de mettre de l’argent en circulation, mais aussi de contrôler sa quantité pour éviter des déséquilibres économiques tels que l’inflation ou la déflation. Une banque centrale adapte ainsi l’émission de monnaie en fonction des besoins de l’économie nationale, en s’assurant qu’il y ait suffisamment de liquidités pour soutenir la croissance, mais sans excès qui pourraient déstabiliser les prix. En outre, l’émission de monnaie fiduciaire est indissociable de la lutte contre la contrefaçon, un enjeu crucial pour préserver l’intégrité et la sécurité du système monétaire.

Enfin, les banques centrales sont également responsables des réserves de changes. Les réserves de change d’une banque centrale lui permettent de disposer de liquidités suffisantes pour conduire des opérations de change visant à stabiliser la monnaie nationale, ou pour faire face à un déficit de sa balance des paiements. Leur importance économique varie fortement selon la situation du pays. Ainsi, en gérant efficacement leurs réserves de change, les banques centrales assurent non seulement la stabilité monétaire, mais aussi la résilience économique face aux fluctuations des marchés internationaux et aux déséquilibres économiques.

 

L’impact des banques centrales sur l’économie

L’un des outils principaux des banques centrales aujourd’hui reste le taux d’intérêt directeur, qui correspond au coût de l’argent. Dans le cadre de sa politique monétaire, une banque centrale peut décider de modifier ce taux afin d’atteindre ses différents objectifs. Ces actions ont un impact direct sur l’économie et ses différents indicateurs, tels que la croissance économique, l’inflation ou le marché du travail.

Quand une banque centrale augmente son taux directeur ou réduit la quantité de liquidités, emprunter de l’argent devient plus cher et plus difficile pour les banques. Cela limite les crédits accordés dans l’économie, réduisant ainsi la quantité d’argent en circulation. Moins d’argent disponible signifie que les entreprises, les ménages et les gouvernements dépensent et investissent moins, ralentissant ainsi l’activité économique. Ce ralentissement aide les banques centrales à maîtriser l’inflation, l’un des principaux défis des économies modernes.

Trouver l’équilibre entre promouvoir une croissance stable et maintenir l’inflation à un niveau faible et durable est l’un des compromis les plus cruciaux pour les banques centrales. Cet arbitrage souligne le rôle délicat de ces institutions, qui doivent constamment concilier des objectifs parfois opposés pour maintenir l’équilibre économique.

Pour certaines banques centrales, comme la Réserve Fédérale aux Etats-Unis, l’emploi est également une véritable priorité. Cela signifie qu'elles ajustent leur politique monétaire non seulement en fonction de l'inflation, mais aussi de la santé du marché du travail. Malgré tout, cet objectif doit être équilibré avec la lutte contre l’inflation, car une économie trop stimulée peut entraîner une surchauffe des prix.

La politique monétaire a cependant ses limites. Lorsque les taux d’intérêt sont proches de zéro, les outils traditionnels des banques centrales tels que la baisse des taux deviennent inefficaces pour stimuler l’économie. La politique monétaire peut également avoir des effets secondaires imprévus, comme le surendettement des entreprises et des ménages en période de politique monétaire accommodante, ou la création de bulles spéculatives sur les actifs financiers.

Pour un investisseur, les actions des banques centrales sont des éléments cruciaux à observer de par le rôle essentiel qu’elles jouent sur les marchés financiers mondiaux. En régulant le taux d’intérêt, ces institutions déterminent le coût des emprunts et des prêts. Leurs différentes décisions peuvent être à l’origine de la volatilité des marchés. En effet, les mouvements brusques des marchés financiers sont souvent une conséquence directe des déclarations d’un banquier central, qui créent des attentes chez les investisseurs. Même si leurs actions ont souvent le plus d’impact sur les marchés des devises et des obligations, on observe régulièrement des réactions en chaîne sur d’autres marchés tels que les actions et les matières premières.

 

Les banques centrales aujourd’hui

Aujourd’hui, le rôle des banques centrales est souvent remis en cause, et ces institutions sont régulièrement cibles de critiques, et ce depuis de nombreuses années. Par exemple, à la suite de la crise inflationniste de 2021, les voix de certains analystes se sont élevées contre l’action des banques centrales. L’une de leur première mission étant de garantir la stabilité des prix à travers le temps, une inflation élevée implique un clair échec des banquiers centraux dans leur travail. Alors que l’économie se complexifie, les liens entre les différentes missions des banques centrales s’intensifient. L’effet de chacune de leurs actions impacte directement la société et son bien-être, ainsi que l’environnement et la durabilité du développement économique mondial. Plus que jamais, les actions des banquiers centraux sont sous le regard scrutateur des différents acteurs de la finance mondiale.

Certains critiques vont même jusqu’à questionner la forme actuelle des banques centrales, et suggèrent la potentielle nécessité de les réformer. Structurellement, l’indépendance des banques centrales est de plus en plus remise en question. Leurs actions sont de plus en plus politisées, et sont en lien direct avec les directions politiques prises par les différents gouvernements au pouvoir. Leurs actions ne peuvent ainsi plus être considérées socialement ou politiquement neutres, remettant ainsi en cause leur fonctionnement même.

Le rôle des banques centrales continue également d’être remis en cause avec la récente prise d’importance des cryptomonnaies. La technologie des cryptoactifs offre une myriade de nouvelles possibilités, allant d’une facilitation des paiements dans des régions non bancarisées au développement de services financiers novateurs. Ces grandes quantités d’actifs n’étant pas contrôlées par les banques centrales, le pouvoir de ces dernières tend à diminuer, ou tout du moins à changer de forme. Leur nature décentralisée et indépendante des autorités monétaires remet en cause le monopole des banques centrales sur l’émission de monnaie et la régulation des systèmes financiers.

Cette évolution entraîne une transformation profonde des dynamiques économiques : les banques centrales doivent s’adapter à un environnement où elles ne contrôlent plus totalement l’offre monétaire. Certaines de ces institutions ont décidé de s’intéresser au potentiel disruptif de ce développement technologique, tandis que d’autres y restent résolument fermées, estimant que les cryptomonnaies posent des risques trop importants en termes de stabilité financière ou en matière de blanchiment d’argent.

Ces nombreuses menaces et critiques nous laissent conclure qu’il est désormais peut-être temps pour les banques centrales de se réinventer, afin de mieux faire face aux nombreux défis de l’économie mondiale d’aujourd’hui. Leur rôle dépassant largement la simple régulation de la masse monétaire : elles doivent jongler en permanence entre stimuler la croissance économique et préserver la stabilité, un équilibre délicat mais crucial. Dans ce contexte, leurs décisions et éventuelles transformations sont et resteront au cœur de l’attention des investisseurs, qui surveillent de près les politiques monétaires susceptibles d'influencer les marchés financiers et l’économie globale.